mardi 6 janvier 2015

Modiano. Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier

Quand Modiano a reçu le prix Nobel de littérature, je me suis dit "chic enfin un nobélisé que j'ai lu et aimé, et que je suis capable de lire!"! J'ai donc sans hésiter, acheté son dernier ouvrage, pour que tu ne te perdes pas dans la quartier. 

Le livre me tombe des mains dès la première page, je le reprends indéfiniment au même endroit, voire un peu avant, ou après la dernière lecture sans même pouvoir me repérer, ayant perdu mon marque-page. En fait je m'y perds! C'est un comble et je n'arrive plus à suivre. Je suis comme le héros,  Jean, qui revient sans cesse sur ses souvenirs qui s'empilent, se complètent, se précisent, s'annulent. 
Pourtant le récit me marque durablement et il est probable qu'il influence mes nuits, il n'est pas rare que je me réveille dans ce village de banlieue parisienne que  j'imagine être Saint-Leu-La-Forêt. 
Il y a chez Modiano une faculté à décrire les lieux, faire vivre les fenêtres borgnes des pavillons  qui répond à ce que j'en connais, à cheminer dans les méandres de la mémoire, qui s'écrit et se réécrit au gré des réminiscences sans que l'on comprenne bien pourquoi on en est arrivé là. C'est une recherche à l'ancienne, celle du papier et de l'écrit qui, à la façon d'une bouteille à la mer, tente de prendre contact avec ceux du passé, les vieilles connaissances, les vieux amours, et d'attendre un signe, une explication qui n'arrive pas. 
Aujourd'hui, il suffit parfois d'un mot sur le net pour retrouver ceux d'autrefois, de là à imaginer que le temps n'est plus, qu'il s'annule, qu'il se contracte, que l'histoire redémarre là où on l'avait laissée, effaçant (sans vraiment le faire) plusieurs décennies. Une jolie formule évoque à juste titre le talent de l'auteur à explorer le "labyrinthe des choses révolues", elle me fait penser au cheminement de la pensée lors des séances de psy, sans queue ni tête à la recherche du premier traumatisme, d'un signe qui mettrait fin à l'angoisse, à la confusion, à la réécriture du passé, à la recherche de la joie et du désir pour soi, sans contrainte. 
Cependant, l'ouvrage vient compléter, au petit matin, la pile abandonnée au pied du lit. Je me lance dans une autre aventure livresque guère plus convaincante. Décidément, je ne sais plus à quel saint me vouer! Sans doute mon esprit parasité se satisfait du  butinage du net quelque peu  vain! 
Et pourtant, c'est sans doute là le talent d'un très grand écrivain, je remets l'ouvrage sur le métier et chaque soir, je me plonge à nouveau dans la quête  des souvenirs de  Modiano et traque avec lui, cette femme aimée, mère de substitution qui  rendra l'abandon supportable. 

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