samedi 20 avril 2013

Petit rat


J'ai toujours eu envie de faire de la danse d'autant que ma voisine, Hélène, en faisait et me faisait rêver. Ma mère m'a donc inscrite dans la même école mais pas dans le même cours puisque débutante. J'en ai  conçu une légère déception mais il fallait  apprendre la rigueur. 
Ma mère traversait donc la ville vers des quartiers inconnus d'elle, pour m'y déposer en fin de matinée le jeudi. Aller rue du 3ème régiment d'infanterie représentait une véritable aventure et surtout une bonne volonté que je me devais d'honorer. 
Cette rue de faubourg, infinie, bordée de maisons grises  était à l'image du nom, sinistre. Je ne  comprenais pas la signification de cette dénomination qui se mêlait dans mon imaginaire à la guerre d'Algérie et à celle de 14-18 que mon grand-père avait faite.
Ma mère m'avait acheté un juste-au-corps noir, type maillot de bain, mais ceinturé en taille basse d'un petit volant de tulle du plus bel effet. J'ai débuté avec des petits chaussons noirs alors que je rêvais de pointes roses en satin avec des lacets montants.
Je me souviens de l'ensemble des petites filles qui répétaient toujours les mêmes gestes à la barre, sans en distinguer aucune, des vestiaires, et surtout de ma mère, pour qui, il s'agissait d'une corvée de m'emmener. 
Pour le gala de fin d'année, on avait acheté un joli tutu blanc et nous avions officié au théâtre. Nous, les débutantes devions traverser la scène à la queue leu-leu façon marche militaire, ce fut je pense notre seule intervention. J'ai dû être stressée par les lumières violentes, la volonté de faire ensemble, le parterre de spectateurs mais j'étais contente.
Las! Le verdict de ma mère fut sans appel, "c'était nul, tout ça pour ça, franchement je n'allais pas continuer une activité pour aller me ridiculiser devant tout le monde".
Je ne sais pas pourquoi sa hargne contre quelque chose qui me plaisait fut aussi terrible. Il y avait probablement la méconnaissance  pour une activité qui lui était totalement étrangère tant d'un point de culturel, (on déboulait de la campagne profonde) que social, ce n'était pas notre monde de filles de bourgeois. Elle avait peut-être imaginé que son enfant ferait autre chose qu'un défilé militaire et réalisé qu'il faudrait galérer longtemps pour espérer faire de moi,  un petit rat. 
 Elle a donc chargé la mule. Est-ce elle qui m'a convaincue ou moi qui ai décidé d'arrêter? Je lui en ai voulu de ne pas m'avoir forcé à continuer, de ne pas avoir cherché à me faire faire de la danse contemporaine par exemple, cela se pratiquait un peu.  J'ai gardé le juste au corps ainsi que le tutu très très longtemps dans mes placards, contemplant l'ensemble à chaque déménagement, imaginant que si j'avais des filles peut-être qu'elles aimeraient faire de la danse.
Au final, je faisais plaisir à ma mère qui n'avait plus à se faire suer à m'emmener, je me suis convaincue que je n'étais pas vraiment douée. Mon amie, au bout de quelques années, a fini par arrêter ce qui a atténué ma frustration. Entre les deux plaisirs, satisfaire ma mère et faire de la danse, j'ai opté pour le premier.
Vers 20 ans je suis allée à un cours de danse contemporaine pour entériner  définitivement l'idée que ce n'était pas pour moi, qu'il y avait inadéquation entre mes gestes et la musique. Pourtant j'adore me trémousser mais j'arrête parce que mon entourage ricane. C'est con non ?

2 commentaires:

  1. Dire que tu aurais pu maîtriser à la perfection l'art de courir sur scène comme une hystérique en faisant de grands moulinets façon moulins à vent. Déception.

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  2. @ ce n'est plus de la danse classique mais la chorégraphie du moulin à vent ...

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