samedi 3 mai 2014

Catherine Millet, une enfance de rêve.


Après la lecture du monde du vendredi 23/04, j'avoue m'être précipitée pour acheter le dernier livre de Catherine Millet, une enfance de rêve (Flammarion), une page entière consacrée à un chef d'oeuvre (je cite Jean Birnbaum) ne pouvait pas me décevoir, il en resterait forcément quelque chose à dire à la fin du bouquin.
Lire ce livre est une jouissance exquise, tant l'auteure sait rendre à merveille ce que la petite fille que je fus, que nous fûmes dans les années 50, 60 et probablement 70. Certes, je n'ai pas vécu en région parisienne, certes, je n'étais pas catholique mais il y a dans le récit qu'elle fait, de l'universel. Le livre est un récit mais se veut aussi documentaire, l'auteure jongle entre ces deux extrêmes mêlant l'intime et le factuel. Elle ose écrire sur ce qui, jusqu'alors, n'était qu'analyse ou description d'historiens du corps et de l'hygiène, elle y ajoute l'émotion, le sentiment de l'enfant. La précision est chirurgicale. Lorsque ses "Anglais débarquent", sa mère et sa grand-mère l'entravent "d'une serviette hygiénique dont la partie centrale était en tissu éponge, et que ma grand-mère avait bourrée de coton, pliée et accrochée avec des épingles à nourrice à une culotte spéciale.... La culotte était dans une matière plastique particulièrement désagréable à porter lorsqu'arrivèrent les journées chaudes, les bords élastiqués mordaient l'intérieur de mes cuisses humides en provoquant de douloureuses brûlures."
Certains critiques, mauvais coucheurs ou tout simplement trop machos pour lire ce que je cite plus haut (Hervé Batho dans Ouest-France), ne peuvent comprendre ce qui est en jeu entre ces lignes. L'émotion est palpable à travers la reconstruction minutieuse du souvenir, les paysages, les lieux de l'enfance, les blessures narcissiques, les petites humiliations et la vie d'une petite fille d'alors. L'auteure met l'accent sur ce qui construit l'enfant, et fonde l'adulte.  
Il ne s'agit pas de se méprendre sur le titre, pas de princesse dans un cocon dorée mais un processus en oeuvre par le rêve ou la vie rêvassée à travers la littérature qui a bercé notre enfance, sans télévision. 
On peut écouter l'émission de l'excellent Laurent Goumarre sur France Culture, le Rendez-Vous du 30 avril 2014 à 19h03.

PS: L'expression "les Anglais débarquent", popularisée au XIXème siècle,  évoque les uniformes rouges des Britanniques, déferlant sur les troupes napoléoniennes. 

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